La fille de Fantomas (Дочь Фантомаса) - Страница 18
— Non, non, dit-il, mon cher Teddy, je ne veux rien de vous. Si, pourtant, pouvez-vous me faire trouver un emploi ?
Le visage de Teddy s’éclaira à son tour :
— Écoutez, vous refusez de l’argent, je le comprends, mais faites-moi un plaisir. Ici, au Natal, être armé est une nécessité, prenez ce revolver en souvenir de moi. Je vous le donne bien volontiers et de grand cœur, et quand à ce qui est d’un emploi, j’ai une idée. Il y a près d’ici une usine, une chercherie de diamants. Elle appartient à un certain Hans Elders, individu des plus suspects. Voulez-vous que je vous fasse entrer chez lui comme manœuvre ?… Ce sera dur pour vous, mais ce sera sans doute utile… Voulez-vous ?
— Parbleu !
7 – SORTIE DU TOMBEAU
Dans la nuit du 18 au 19 juin, le silence du grand cimetière situé au nord-est de la capitale britannique fut troublé par des bruits de pas, d’étranges allées et venues.
Une ombre avançait sous les cyprès du chemin entre les pierres tombales.
Ayant traversé la moitié à peu près de la nécropole sous son voile nocturne, l’ombre, celle d’une femme, apparemment, se trouva soudain en présence de plusieurs caveaux surmontés les uns et les autres d’une construction en forme de temple. Son visage qui, à ce moment se trouvait éclairé par la lune, était affreusement pâle.
Puis l’ombre essaya d’entrebâiller de ses mains délicates la grille d’un caveau qu’elle devait croire ouvert. Mais la grille était fermée par une lourde serrure. Sans s’épuiser en efforts inutiles, ayant émoussé les menus outils sur lesquels, sans doute, elle comptait, la jeune femme au comble de l’émoi se laissa choir sur le gazon, en proie au désespoir.
Convaincue de l’inanité de ses efforts, elle se tordit les bras. Des sanglots lui montèrent à la gorge.
Mais à quoi bon crier ? pourquoi aurait-elle appelé ?
Les morts dans les cimetières n’entendent pas, et la grande dame était seule certainement.
Aucun bruit ne venait troubler le silence.
Réagissant contre sa prostration première, la femme mystérieuse, dans un suprême effort de volonté, tenta encore d’ébranler la grille qui la séparait de l’intérieur du caveau d’où montait un courant d’air glacial.
— Mon Dieu ! mon Dieu ! gémit-elle, que devenir ? que faire ?
Ses doigts s’ensanglantaient, la grille ne s’ouvrait toujours pas.
Soudain, elle s’arrêta. On avait marché.
Qui donc, pouvait errer comme elle, dans ce cimetière à cette heure de la nuit ?
Une silhouette se profila le long des tombes, celle d’un homme armé d’une pioche.
La dame blonde l’aperçut avant d’être découverte par lui.
Mais l’homme, cependant, devait se douter de quelque chose d’anormal. Tout en marchant, il regardait autour de lui, semblait scruter l’ombre, jeter des coups d’œil inquisiteurs dans les massifs de fusains, sous l’ombrage des cyprès autour des sépultures.
La dame anéantie, et soupçonnant peut-être que ce nouveau venu allait lui apporter un secours inespéré, n’essaya pas de se dissimuler.
L’homme, lorsqu’il l’aperçut enfin, eut un soubresaut et s’arrêta sans rien dire en face d’elle, stupéfait.
Il portait un vêtement à boutons de métal et galons d’argent.
Lorsqu’il eut suffisamment regardé l’inconnue, l’homme l’interrogea :
— Pardieu, madame, je suis fort étonné de vous trouver ici, et, comme je n’ai pas l’honneur de vous connaître, je serais très heureux de savoir qui vous êtes ? Vous n’ignorez pas que les règlements de la municipalité interdisent à toute personne étrangère à l’Administration du cimetière, de pénétrer dans ce lieu en dehors des heures régulières de visite. Mon devoir est de vous conduire au poste de police où vous vous expliquerez…
La dame s’était relevée.
C’était assurément une excellente comédienne, car, dissimulant son émotion, refoulant ses larmes, elle avait pris l’air à la fois suppliant et aimable pour répondre au fossoyeur :
— Pardonnez-moi, monsieur, murmurait-elle, et ne m’accablez pas… Hélas, je sais que je suis coupable… mais il y a à toute faute des excuses et je suis sûre que, lorsque je me serai expliquée, vous reviendrez sur votre décision de me conduire au poste de police… Je suis une femme du monde bien malheureuse, et j’aimerais mieux mourir.
— Il ne s’agit pas, madame, de mourir, mais bien de me fournir les explications qui, certainement, justifieront votre présence.
— Cette grille, dit la dame, est fermée à clef. Pourquoi ne peut-on pas l’ouvrir ?
— Elle est fermée à clef, en effet, madame, des cercueils y ont été déposés hier et cet après-midi encore.
— Je sais bien, répondit-elle, c’est pour cela justement que je suis venue, c’est pour cela que je me désespère.
— Pourquoi donc, madame ?
À mots précipités, hachant ses phrases, se rapprochant de plus en plus du fossoyeur, comme si elle voulait le convaincre en l’hypnotisant de son regard étincelant, la grande dame parla tout d’un trait :
— Le dernier cercueil que l’on a descendu dans ce caveau est celui d’un parent, d’un ami… d’un être que j’aime… que j’aimais plus que tout au monde. Une erreur effroyable a été commise… on a enfermé dans cette bière un document de la plus haute importance, et… tenez… j’aime mieux tout vous avouer, car je veux croire que vous allez m’aider, j’étais venue dans l’intention d’ouvrir cette bière et d’y prendre le document.
L’homme haussa les épaules.
— C’est impossible.
— Oh ! ne me dites pas ça, s’écria-t-elle, ce serait vouloir ma mort, ce serait provoquer le drame le plus affreux qu’il soit possible d’imaginer. Je vous en prie, monsieur, puisque la chose est en votre pouvoir, ouvrez cette grille, ouvrons ce cercueil.
— C’est absolument interdit, fit observer l’homme, interdit par l’Administration. Quiconque enfreindrait cet ordre serait puni.
À ces paroles peu encourageantes, la grande dame eut cependant un léger sourire de triomphe.
Discrètement, elle tira de son réticule, un petit portefeuille qu’elle glissa presque de force dans la main du fossoyeur.
— Je vous jure, dit-elle, que nul n’en saura rien… nous aurons vite fait… au nom du Ciel aidez-moi.
Une lutte poignante devait s’être engagée dans la conscience du fonctionnaire.
Certes, ce que lui demandait cette femme était étrange, anormal, non pas impossible comme il l’avait dit. Rien ne lui était plus simple, en effet, que d’ouvrir la grille du caveau, que de descendre les quelques marches qui conduisaient à la crypte pour aller ouvrir le cercueil.
Mieux que personne, le fossoyeur savait que le cimetière était désert, que nul ne viendrait les surprendre.
Il était honnête homme et respectueux de la consigne, mais il n’était pas riche certes, et chargé de famille.
Cette personne appartenait sûrement au grand monde et ce qu’elle disait devait être vrai, et le fossoyeur savait par expérience que ce n’est pas par pure curiosité ou simple gaieté de cœur que l’on désire faire ouvrir un cercueil.
Après de longues hésitations, cédant enfin aux objurgations de plus en plus vives de son interlocutrice, le fossoyeur acquiesça.
La grille s’ouvrit, l’homme et la femme descendirent doucement dans le caveau glacial éclairé par la lune.
Il y avait là plusieurs cercueils rangés les uns à côté des autres, attendant leur inhumation définitive.
Une grande bière, sur le couvercle de laquelle était fixée une plaque de métal portant cette simple inscription :
Tom Bob
retint l’attention de la dame blonde.
Elle désigna du doigt le cercueil au fossoyeur.
Celui-ci, résolu à tenir sa promesse jusqu’au bout, avec une dextérité de professionnel, enleva de la pointe de son couteau les vis à peine enfoncées du couvercle de chêne. Le couvercle se rabattit bientôt. Le mort apparut.
C’était un homme d’une quarantaine d’années, au visage calme et reposé, au cheveu rare, argenté sur les tempes. Il paraissait dormir et ses membres n’avaient même pas la rigidité habituelle des cadavres.