La fille de Fantomas (Дочь Фантомаса) - Страница 16

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Non, il ne fallait pas, sous prétexte de protéger un dément, se montrer injuste vis-à-vis d’un brave homme.

Le docteur prit une mine sévère et, se retournant vers Fandor :

— Tu vois ? disait-il, tu m’as menti ? C’est toi qui as jeté le crâne par la fenêtre.

Ah ! cette fois, Jérôme Fandor ne se contint plus…

Quoi, voilà que ce docteur, tout à l’heure si bienveillant, s’imaginait qu’il venait de lui jouer la comédie.

Voilà que quelques phrases d’un infirmier suffisaient à ébranler sa conviction…

Et Fandor, dans un éclair de pensée comprit toute l’horreur de sa situation. Ce qui arrivait en cette minute était ce qui désormais lui arriverait toujours.

Il était réputé fou.

Quoi qu’il dise, on ne le croirait pas. Quoi qu’il prétende, on le nierait et ce gardien, et d’autres gardiens, et tous les gardiens auraient toujours raison devant lui, et il ne sortirait jamais de l’asile, parce qu’il était fou, aux dires de la science, et que tout ce que fait un fou ne peut prévaloir contre l’affirmation d’un homme sain d’esprit, cet homme fût-il la plus infâme des crapules.

Alors, une colère terrible envahit soudain le journaliste.

— Docteur, docteur, hurla Fandor, c’est infâme. Cet homme ment. Ce n’est pas moi qui ai jeté le crâne par la fenêtre, c’est lui. Je vous ai dit la vérité. Je ne suis pas fou. Non, non, je ne suis pas fou, je vous dis…

Mais le docteur ne l’écoutait plus. Il s’était retourné vers l’infirmier et lui disait :

— Georges, je vous rends justice. Que voulez-vous, ce malheureux m’avait impressionné. Il semblait, tout à l’heure, si calme…

L’infirmier, d’un geste, désignait Fandor qui, les poings serrés, semblait prêt à se jeter en avant :

— Monsieur le directeur, remarquait-il, vous le voyez maintenant ?…

— Nom de Dieu, hurla Fandor, est-ce que je peux rester calme aussi ?

Le directeur, tourné vers lui, ordonna :

— Tais-toi, tais-toi, n’est-ce pas ? ou je te fais conduire à la douche…

Et comme Fandor, maté par la menace, faisait silence, Gérard Herbone continua :

— Oui, j’allais commettre une injustice… ma foi, Georges, ce malheureux m’avait roulé, il avait parfaitement joué sa comédie… Je m’en souviendrai à l’établissement des gratifications, et puis, n’est-ce pas, n’en tirez pas vengeance ? Continuez à être bon pour lui ?… Il n’est pas responsable.

Georges, l’infirmier, s’inclina, calmé, lui :

— Oh ! monsieur le directeur, vous pouvez être tranquille…

— Seulement, la nuit, poursuivait le médecin-chef, puisque c’est surtout la nuit qu’il a des crises, prenez donc la précaution de l’attacher sur son lit.

***

Dans la petite chambre que Fandor continuait d’habiter au second étage, il faisait une obscurité complète. Minuit venait de sonner, nul bruit ne s’entendait dans l’asile livré tout entier au silence du sommeil, nul bruit, à part, de temps à autre, l’exclamation d’un gardien donnant des ordres à un agité.

Fandor goûtait ce silence, cette heure de paix, se forçait à réfléchir…

Elle était horrible, la situation du malheureux, et pourtant Fandor souriait, semblait presque joyeux.

C’est que Fandor, dans l’après-midi, avait fait une découverte extraordinaire…

— Je ne sortirai jamais de cet asile de fous, avait décidé Fandor, comme l’infirmier Georges l’entraînait, sans le brutaliser d’ailleurs, hors du cabinet du directeur, si je m’obstine à obtenir mon exeat par des moyens réguliers. Donc, il faut que je ruse, si je veux m’en aller d’ici, et je le veux, certes. Sous peine de devenir rapidement, réellement fou, il importe que je m’évade… Oui, mais comment ?

Chose curieuse, Fandor, de sa conversation avec Gérard Herbone, de sa confrontation si terriblement conclue contre lui avec l’infirmier Georges, avait rapporté deux impressions très nettes et assez bizarres.

D’abord, Fandor s’était rendu compte, et cela bien qu’il fût pourtant certain du contraire, que l’infirmier Georges était de bonne foi.

Quand cet homme avait dit : « Je n’ai pas pris le crâne » il ne mentait pas.

Fandor était trop habitué aux enquêtes policières pour se laisser prendre à une comédie. Il se l’avouait à lui-même, l’infirmier devait être sincère, disait la vérité en affirmant qu’il n’était pas coupable…

Et pourtant, le crâne avait disparu. Et pourtant, ce n’était pas Fandor qui l’avait jeté par la fenêtre.

Le journaliste, fort de cette impression et sitôt ramené dans le quartier des furieux, s’était pris à réfléchir.

— Voyons, s’était-il affirmé, un fait est certain, c’est que le crâne a disparu. Donc, on l’a pris. Qui est cet « on » ? J’accuse Georges. Or, Georges apparaît innocent, donc, ce n’est pas lui… Mais, d’autre part, dans mon rêve, dans mon réveil, j’ai cru voir entrer le voleur et j’ai cru le voir ressortir par la fenêtre… Or, Georges est arrivé par la porte, donc, Georges pourrait très bien n’avoir pas vu cet individu et, par conséquent, ne pas douter que le crâne n’a pas été volé… bien… mais…

Le « mais » que Fandor arrivait à formuler était troublant au possible. C’est que, tout d’un coup, le journaliste songeait à l’une des observations du directeur… « Comment voulez-vous, avait dit Gérard Herbone, que quelqu’un se soit introduit dans votre chambre en passant par la fenêtre, puisque cette fenêtre est garnie de barreaux ? »

Cette réflexion avait été pour Fandor un trait de lumière. Comme, après le souper du soir, il remontait dans sa chambre, Fandor, rapidement, s’était précipité vers la fenêtre.

Quatre lourds barreaux, placés à quinze centimètres les uns des autres, empêchaient, en effet, de franchir la fenêtre.

Ces barreaux, Jérôme Fandor les avait examinés, profitant de ce que son gardien s’occupait à faire rapidement son lit, d’un bref coup d’œil… Ils étaient intacts. Ils n’étaient point sciés. Ils n’étaient point coupés… Et pourtant Jérôme Fandor s’était éloigné de la fenêtre avec une figure rayonnante.

Il était décidément intrépide, le journaliste, et rien ne pouvait abattre son infernale énergie, car cette figure souriante, il la gardait encore alors même qu’une fois couché dans son lit, il voyait l’infirmier Georges, obéissant aux ordres du directeur, s’approcher de lui, prendre ses poignets et ses chevilles, dans des boucles de cuir qui l’immobilisaient sur son lit.

Qu’avait-il donc deviné ?

Que méditait-il ?

Jérôme Fandor, en tout cas, songeait cette nuit-là :

— Si je suis sage pendant huit jours, j’imagine bien qu’ils finiront par me lâcher, par ne plus me boucler sur ce lit… Et maintenant, c’est tout ce que j’ai à leur demander, car après ma découverte, la découverte de tout à l’heure…

Mais quelle était donc cette découverte ?…

***

Du temps, encore, s’était passé… Les gardiens, convaincus que leur « malade » ne pourrait pas bouger, s’en étaient allés dormir, relâchant leur surveillance.

Après minuit, dont les douze coups avaient retenti lentement, la pendule avait égrené des quarts, des demies, et Fandor, qui réfléchissait toujours, commençait à apercevoir à travers les barreaux, les mystérieux barreaux de sa fenêtre, la lueur de l’aube prochaine…

L’asile, toujours endormi, était plus silencieux que jamais. Vaincus par la fatigue, à cette heure avancée de la nuit, les fous eux-mêmes finissaient par dormir…

Soudain, dans la chambre de Fandor, une voix murmura :

— M’entendez-vous ?

Instinctivement, le journaliste, à cette demande surprenante, car il n’y avait personne que lui dans la pièce, voulut s’asseoir sur son lit. Hélas, les courroies qui l’attachaient le rappelaient rudement au sentiment des réalités. Force lui était de rester étendu.

La voix reprenait :

— M’entendez-vous, monsieur Fandor ?

— Voyons, voyons, songea-t-il, personne ne me connaît ici, qui pourrait m’appeler ? est-ce encore une hallucination ?

Il souffla, à voix basse :

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