La fille de Fantomas (Дочь Фантомаса) - Страница 14
Il s’agenouillait et regardant la vieille Laetitia dans les yeux :
— Et puis, mama ? le coffret ?
La voix de Laetitia tremblait un peu quand elle répondit :
— Le coffret, Teddy ? oui. Eh bien l’homme qui t’apportait le tenait aussi et quand il a vu que je t’embrassais et que je te trouvais si gentil, il m’a attirée à l’écart. C’est alors qu’il m’a donné ce coffret : « Laetitia, m’a-t-il dit, – car il venait de m’entendre appeler par mon maître – vous serez chargée de cet enfant. J’aurai confiance en vous, élevez-le. Quelque jour, je viendrai le rechercher et ce jour-là… Et il n’a pas achevé, Teddy. Il m’a tendu le coffret en disant : Tenez, gardez cela aussi, ce coffret contient tout ce qui peut intéresser l’enfant, si je ne réapparaissais pas. Il faut faire en sorte qu’il ne tombe en sa possession qu’à ses vingt ans et pour tout l’or du monde, pas avant.
Aux dernières paroles de la vieille femme Teddy s’était relevé, il se promenait de long en large dans la chambre, il murmura :
— Seulement à mes vingt ans, et j’en ai tout juste seize. Encore quatre ans à attendre. Non. Ce n’est pas possible. Il faudra que je sache avant…
Puis Teddy haussa la voix :
— Et alors, Laetitia, vous, vous avez voulu savoir… vous avez ouvert le coffret puisque vous avez décidé que je…
Mais la vieille Laetitia, elle aussi, s’était levée.
— Ah ! tais-toi ! tais-toi ! supplia Laetitia, cela, non, je ne veux pas que tu en parles. Tu devrais l’avoir oublié… Ah ! qu’est-ce que je dis, je suis folle, tu devrais n’y penser jamais. Pourtant…
— Pourtant…
— Non, non, ne m’interroge pas là-dessus.
Et, après un instant de silence, Laetitia poursuivit, d’une voix terriblement oppressée :
— Je t’affirme que je ne peux pas te répondre.
Puis elle supplia presque :
— Voyons, tu sais bien que je t’aime ? depuis… depuis ce moment où tu es arrivé, ici, à cette ferme, tu es comme mon enfant. Tiens, tu te rappelles ? je te l’ai dit bien souvent quels ont été les malheurs de ma vie : les fils de mes maîtres, deux petits que j’avais élevés, tués à la guerre, mes maîtres disparus peu après, minés par le chagrin, la paix, même, amenant la ruine de la maison, toute la famille dispersée, et moi, moi seule, restant avec toi, qui étais encore si jeune, toi que mes maîtres qui t’aimaient avaient fait leur héritier, puisque cette ferme t’appartient, toi que j’élevais, que j’ai élevé jusqu’ici et que j’aime, je te le répète encore, comme un fils.
— Mama, ma chère mama, vous savez bien que moi aussi je vous aime.
— Alors, ne demande jamais d’explications.
Déjà Teddy s’était relevé, son visage avait repris sa sévérité énergique.
— Ah ! je voudrais tant savoir, murmurait-il, je voudrais tant savoir qui je suis, au juste. C’est si mystérieux ma naissance. Mama, et vous le savez, vous, vous pourriez me le dire…
— Oui, je le sais, je l’ai appris par hasard un jour… avoua-t-elle enfin, mais je ne peux pas te le dire. Non, Teddy, n’insiste pas, vois-tu, les pires malheurs en résulteraient.
Et comme le jeune homme se taisait, Laetitia reprit :
— Et puis, qu’est-ce que ça te fait ? N’es-tu pas heureux maintenant ? Et si même tu veux à toute force savoir le nom de ta famille, le secret de ta naissance, n’es-tu pas sûr qu’un jour tu seras renseigné ? puisque, à tes vingt ans, tu pourras ouvrir le coffret.
— L’explication de tout est donc dans ce coffret ?
— Oui.
— Le nom de mon père ?… le nom de ma mère ?…
— Tout. Tu sauras tout, quand tu auras vingt ans, mais pas avant.
Insouciants de l’heure qui passait, insouciants de la nuit d’orage qu’il faisait maintenant, du vent qui hurlait, de la pluie qui cinglait, du veld tout proche, entourant la ferme de son mystère, la vieille femme et le jeune homme, longtemps se turent.
— Mama, dit enfin Teddy, qui paraissait sortir d’un rêve, vous croyez que ce coffret est toujours à l’endroit où vous l’aviez caché ? là-bas… enfoui au pied du troisième arbre de la prairie ?
En entendant ces paroles, Laetitia, malgré son grand âge, venait de bondir, vive, ardente, folle d’effroi semblait-il.
Elle interrogea :
— Teddy… que veux-tu dire ?
— Je veux dire, mama, que le coffret vous a été volé.
La vieille femme joignit les mains dans un geste de prière. Teddy ajouta :
— Volé, oui, volé. Il y a quinze jours, je me suis aperçu qu’il n’était plus dans sa cachette.
— Et tu ne me l’as pas dit ?
— Pourquoi vous faire de la peine ?…
— Qui a pu ?… Qui a osé ?
— Qui a osé ? quel est le voleur du coffret ? ah, j’ai cherché longtemps, je vous assure, avant de le savoir.
— Et tu le sais maintenant ?
— Oui, mama. Le voleur, c’est Hans Elders.
— Hans Elders !
La vieille femme avait répété ce nom avec un effroi abominable :
— Hans Elders, ah ! je comprends, je comprends.
Et, dans ses yeux, que tant de larmes avaient terni, la volonté alluma un terrible reflet :
— Teddy, Teddy, dit Laetitia, coûte que coûte, vois-tu, il faut retrouver ce coffret.
Mais Teddy maintenant paraissait très calme. Alors que Laetitia avait parlé, d’une voix sifflante, entrecoupée, il répondit d’un ton posé :
— J’y compte bien, mama, soyez tranquille, je le retrouverai.
Étrange garçon que Teddy, il aimait bien la vieille Laetitia, il l’aimait comme une mère, et pourtant à coup sûr, il ne lui confiait pas toutes ses pensées car il ne dit rien de l’incendie des docks.
Il gagna sa chambre. Et sans doute Laetitia eût été stupéfaite si elle avait alors aperçu Teddy saisir un mètre et, debout devant un petit miroir accroché à la muraille, soigneusement, minutieusement, prendre la mesure de son crâne, de son crâne, à lui.
6 – L’ÉVASION
Il y avait cinq jours que Jérôme Fandor était au « Lunatic Hospital ». Gérard Herbone, le directeur, après avoir, le lendemain même de l’arrivée de Fandor à l’asile, sanctionné son incarcération, n’avait plus eu l’occasion de s’occuper de son nouveau pensionnaire, lorsqu’au rapport des internes, ce matin-là, on lui signala, que ce dément, ce dément qui avait eu l’audace de prétendre qu’il était le célèbre journaliste Jérôme Fandor, était devenu très calme, s’était conduit avec une sagesse exemplaire, puis brusquement avait supplié les internes d’obtenir pour lui une nouvelle audience du directeur.
Le docteur Gérard Herbone, brave homme, en apprenant la demande de son pensionnaire, n’avait pas voulu hésiter.
— Ce malheureux demande à me parler ? avait tout simplement répondu Gérard Herbone, très bien. Amenez-le moi dans dix minutes, à mon cabinet, je suis à sa disposition. J’entends que tous les malades puissent toujours m’approcher quand ils le jugent utile.
Quelques instants plus tard, Jérôme Fandor, en effet, était introduit auprès du médecin chef. Gérard Herbone lui désigna un siège :
— Assieds-toi ! Tu as voulu me parler, qu’est-ce qu’il y a ?
Jérôme Fandor s’était laissé tomber lourdement, sur le canapé que lui avait désigné le docteur.
Le journaliste était blême, affreusement. Il paraissait souffrant, abattu. On sentait qu’il était au bout de ses forces nerveuses, qu’il souffrait, qu’il était à bout.
L’accueil du médecin chef, pourtant, lui redonna un peu de confiance, et c’est d’une voix presque assurée qu’il commença :
— Docteur, quand je vous ai parlé l’autre jour…
Mais Gérard Herbone l’interrompit :
— Non, écoute, tu as demandé à me voir, et je me suis mis à ta disposition, mais tu comprends, il faut être sage avec moi ? Si tu as l’intention de me raconter encore des mensonges, de me parler de ton arrivée dans une caisse, de me dire que tu es Jérôme Fandor, j’aime mieux te renvoyer tout de suite…
— Docteur, je m’en rapporte à vous pour décider, dans quelque temps si je suis fou, si je suis encore fou, si même je ne l’ai jamais été. Ce n’est pas pour vous protester de ma parfaite lucidité que j’ai demandé à vous parler, c’est pour me plaindre…